Les jeunes marques horlogères face à l'épreuve du coronavirus
Publié le 8 Mai 2020
L'épidémie du Coronavirus en ce printemps 2020 a ébranlé l'industrie horlogère. Si les grandes marques prestigieuses n'accuseront qu'une perte de chiffres d'affaires, pour certaines marques horlogères récentes, c'est la faillite qui est en jeu. Nous avons interviewé des jeunes marques suisses et françaises afin de comprendre comment elles font face.
Avant de parler économie, j'espère que tous les lecteurs du blog MBA et leur famille se portent bien en ces temps difficiles. Les différentes marques ayant répondu à nos questions (Beaubleu, Lonis, Code41) n'ont heureusement pas eu de cas de Covid-19 parmi leurs équipes.
Une perte nette de chiffres d'affaires, surtout pour les marques misant sur les boutiques
Le confinement et la fermeture des commerces non-essentiels pendant 2 mois en France et en Suisse a réduit à zéro le chiffre d'affaires des marques horlogères utilisant ce réseau classique de distribution. Nicolas Pham, créateur de Beaubleu, nous indique ainsi que la fermeture des boutiques UTINAM de Besançon ou des magasins Printemps de Paris et Deauville, où Beaubleu est distribué, aurait impacté fortement la revente de leur modèle si leur première collection n'avait pas été déjà totalement écoulée avant la crise. Beaucoup de jeunes marques horlogères signent ce genre de partenariat avec quelques boutiques horlogères spécialisées, pour certaines marques, ce fut la douche froide. J'en profite pour avoir une grosse pensée pour tous les horlogers qui ont eu leurs boutiques fermées pendant 2 mois, allez leur rendre visite dès ce lundi 11 Mai, ils ont besoin de vous et nous avons besoin d'eux !
Des ventes digitales qui souffrent
On aurait pu penser que les ventes d'ecommerce explosent pendant le confinement. Au final, on a vu, sur tous les marchés, que ce n'était pas le cas, avec des ventes digitales en léger recul partout. On peut citer comme explications que la perte de revenus d'une grande partie de la population n'incitent pas à la dépense et que le service très médiocre des postes pendant cette crise n'incitait pas non plus à commander une montre à distance. Chez nos jeunes marques horlogères, Yannis Panigas de Lonis Watches nous indique que "l’impact a été important et s’est caractérisé par une diminution brutale des ventes, après 2 ans de progression dynamique et réjouissante".
Même verdict chez Code41 où les ventes en ligne de leur collection Anomaly ont chûté avec un "taux de conversion a -50% en mars. Nous constatons pourtant une nette amélioration depuis fin avril, et notre taux de conversion est seulement 35% moins élevé que celui habituel" selon Amir Sfez le Directeur Digital de la marque suisse.
Une organisation interne à revoir
Avec le confinement, il a aussi fallu revoir la façon de travailler. Le télé-travail s'est imposé et heureusement nos jeunes marques étaient prêtes sur ce point : très digitalisées et avec des effectifs restreints de jeunes entreprises, elles ont été sur ce point moins pénalisées que les grandes sociétés où les règles de distanciation sont un véritable casse-tête. Code41 a dès mi-mars fait une transition intégrale vers du télétravail. Amir Sfez nous confie que "toute notre infrastructure de travail est 100% cloud et donc accessible par nos employés de n'importe où. Nos équipes ont continué leur mission en télétravail avec la plus grande facilité : les pièces de nos bureaux se sont simplement transformés en conférence vidéo. Concernant la sécurité de nos clients, nos processus de préparation des commandes suivent un protocole de sécurité très strict : stérilisation des mains après chaque contact avec une nouvelle marchandise, distance de sécurité d'au moins 1 mètre entre les agents logistiques ainsi qu'une interdiction globale des contacts corporels."
Des précommandes qui ont très bien fonctionné.
Vrai enseignement de cette crise, les jeunes entreprises qui ont fortement misé sur l'e-commerce et sur les précommandes sont celles qui s'en sortiront le mieux. Le principe des précommandes permet aux marques d'empocher la trésorerie avant de se stocker en matériel et de produire la juste quantité de montres sans surstock. Code41, dont les précommandes rencontrent un succès phénoménal à chaque nouveau projet, réalise par exemple "80% de son chiffre d'affaire avec les précommandes". Leur dernier lancement, la DAY41 en précommande en Février de cette année a ainsi engrangé un chiffre d'affaire de 2 millions d'euros de précommandes !
La nouvelle collection Union de Beaubleu a elle aussi été épargnée de justesse car les précommandes se sont déroulées juste avant le confinement, Nicolas Pham nous indique que "la nouvelle collection a été incroyablement bien accueillie. Nous avons fait plus de 300% de notre objectif attendu dont 100% en seulement 18 heures au lieu de 35 jours."
Le système des précommandes était déjà un système gagnant avant la crise du coronavirus, nul doute que l'ensemble des jeunes marques horlogères se pencheront de plus en plus vers ce business model qui a fait ses preuves. Il nécessite néanmoins de parfaitement maîtriser le marketing digital (réseaux sociaux, relations avec les blogs, affiliation, SEO, publicité en ligne...) ce qui n'est pas le cas de toutes les jeunes marques horlogères parfois créées par des passionnés d'horlogerie sans formation pointue dans ce domaine assez technique, mais indispensable en 2020.
A noter que les 2 mois de confinement ont eu un impact sur les ateliers de production et on peut anticiper un léger retard sur les différents modèles précommandés chez certaines marques.
Une confiance dans l'avenir
L'ensemble des marques qui nous ont répondu s'affichent très confiantes pour leur avenir. Il reste évidemment des incertitudes pour tout le monde sur "l'après-Covid", Yannis Panigas nous confie par exemple que "c’est plutôt l’éventuel changement du comportement des consommateurs qu’il faudra comprendre après cette crise. Nous effectuerons les adaptations nécessaires pour répondre au mieux à leurs envies, à moins que tout redevienne *comme avant* très vite, comme cela a souvent été le cas après les crises précédentes…". Le co-créateur de Lonis croit en "une reprise rapide et positive".
On note un bel optimisme chez Nicolas Pham qui nous indique que "bien que Beaubleu soit en période de forte croissance, nous voulons construire la marque à notre rythme, un processus long mais sain et durable selon nous. Prendre le temps de faire des choses et des montres qui ont un réel sens, à la fois sur notre création, nos productions et nos collaborations." Nicolas salue aussi la solidarité du monde horloger pendant cette crise : "On parle des difficultés du milieu, mais le Covid a montré une étonnante entre-aide et solidarité entre les différents acteurs. Je sais qu’une partie de nos ambassadeurs sont vos lecteurs assidus, j’en profite pour les remercier encore au nom de toute l’équipe !"
C'est Code41 qui a trouvé la meilleure parade au marasme ambiant en lançant un nouveau projet en plein confinement, baptisé Le Chrono ! Les milliers de fans de la marque sont invités à "co-concevoir" ce futur modèle en choisissant le mouvement mécanique du futur modèle. Nous nous réjouissons d'ailleurs que les votes se portent très largement pour un mouvement mécanique suisse dédié.
J'espère que cet article vous aura intéressé. Je le trouve plutôt rassurant pour les jeunes marques horlogères qui avaient opté pour un modèle très digitalisé. Voici les sites de ces 3 marques si vous souhaitez commander un de leur modèle :
Et je renouvèle évidemment mes pensées à tous ceux qui ont été directement touché par le Covid ou eu un proche malade.
Prenez soin de vous,
Olivier MBA
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