Interchangeabilité des créations Européennes dans l'histoire de l'horlogerie
Les échanges européens concernent toutes les marchandises et à fortiori les biens de consommation complexes qui font appel à de nombreuses pièces détachées. On pense aux voitures, aux objets électroniques et évidemment aux montres. Depuis longtemps les Suisses qui ont acquis un véritable savoir faire (Calvin le réformateur, ayant poussé au milieu du XVI è siècle, à l’abandon du port des objets ornementaux, ce qui força les orfèvres à se tourner vers l’horlogerie), on su protéger cette fabrication en créant le « Swiss Made », mais si les pièces sont pour la plupart fabriquées par les Helvètes, les idées ont depuis toujours reçu des apports du monde entier. Notamment des Français, des Allemands, des Anglais et n’oublions pas parmi les nombreux autres, des Danois.
Ainsi donc, l’histoire de l’horlogerie suisse est elle jalonnée d’apports et d’échanges fructueux de toute nature. On est même tenté par moments de parler de transferts !
C’est en particulier le cas avec les Japonais. Plusieurs maisons suisses s’étant établies dès 1860 dans l’archipel Nippon, on assiste à une prise en main de la distribution par des hommes d’affaire japonais qui vont tenter de s’affranchir de cette importation. Seiko en est un pur produit et développera ses créations dès 1892. Ce deuxième « axe » sera la source d’innovations et de défis amenant les fabricants japonais à une expansion phénoménale (notamment à l’avènement du quartz vers 1970). Mais juste retour des choses, les collaborations entre les deux industries produisent déjà des créations hybrides aux qualités indéniables.
Si Pierre Frédéric Ingold (1787–1878) est le pionnier incontestable de l’interchangeabilité (que je nommerai statique), cette science se développe très tôt entre les différents créateurs européens pour produire à certains moments des pôles de collaboration, à d’autres, des sursauts créatifs et nationaux – chez les Allemands, par exemple. A ce titre les nombreuses marques établies dans la région de Glashütte, rivalisent aujourd’hui de qualité extrême avec les meilleures marques suisses.
Pour les Français, c’est une autre histoire ! On dit qu’ils ont des idées, mais quand ils manquent cruellement de moyens, ils voient en définitive s’éloigner avec le temps, un savoir faire certain. On le constate par exemple dans les métiers de la fonderie ou du textile. Quelques Français d’importance ont été à l’origine de merveilleuses innovations horlogères – On pense à L. Leroy, Breguet, Moinet, parmi les plus connus. Il n’en reste pas moins que cet apport est suffisamment significatif pour faire penser à certains, qu’ils partagent avec les Suisses une certaine paternité !
Aujourd’hui, dans un monde qui va beaucoup plus vite, ou les échanges de connaissances et de créativité sont plus nombreux, on voit émerger plus que des capacités, des compétences évidentes dans l’interchangeabilité horlogère (que j’appellerai active). On le note sans conteste dans certains éléments comme par exemple les bracelets de montre où les Italiens et les Français dominent ; les verres (notamment saphir) où sont bien implantés les Chinois, mais aussi les Français.
Pour ce qui concerne les pièces composant les mécanismes, les Suisses ont conservé en Europe une expertise certaine et surtout des moyens réels – de très nombreuses sociétés fabriquent des rouages, des ressorts, des rubis et tant d’autres éléments. La plupart d’entre-elles sont implantées autour du lac de Neuchâtel et rayonnent bien au-delà de l’axe helvétique.
Ceci dit, les Allemands, les Russes fabriquent toujours des montres contenant leurs propres calibres et parfois installent ceux de leurs voisins Suisses, mais si nous parlons d’interchangeabilité, elle est à mon sens aujourd’hui, bien plus présente dans l’échange des idées, des innovations, des adaptations présentes à plus ou moins grande importance dans les montres suisses elles-mêmes.
L’horlogerie, malgré la crise actuelle navigue sur une vague d’intérêt qui pousse cette créativité. Le récent engouement pour les montres mécaniques a renouvelé le style et, bien que de nombreux calibres datent encore des années 30 à 60… où l’on a tout inventé ! Il reste à perfectionner les précisions, les régularités, les étanchéités, les prouesses de design renouvelés. On n’a pas encore fini d’avancer et d’échanger !
Jimmy Watch